Avril 2016

Drépanocytose. Tout praticien aura à assumer des soins de proximité

Dr Jean-Benoît Arlet


La drépanocytose (on parle aussi de syndromes drépanocytaires majeurs) est la maladie génétique la plus fréquente en France et au monde. Même si on ne dispose pas de chiffres parfaitement fiables, on estime à 20 000 le nombre de patients en France (comprenant les DOM-TOM), constitué pour moitié d’une population pédiatrique et pour moitié adulte(1). Parmi les adultes, la moitié des patients sont nés sur le sol français, l’autre moitié pour la plupart en Afrique(2). Ainsi, tout praticien sera confronté tôt ou tard à leur prise en charge car, en dehors du nombre relativement important de malades, c’est une maladie qui, du fait de sa physiopathologie (encadré 1), peut toucher tous les organes et nécessite un recours fréquent aux soins de proximité et en hospitalisation.

 

Ainsi, dans une étude multicentrique réalisée par le centre de référence, 70 % les patients homozygotes SS disaient avoir été hospitalisés au moins une fois l’année précédant l’enquête et une majorité (81 %) avaient un généraliste qu’ils consultaient en moyenne une fois tous les deux mois.

 

En France métropolitaine, plus de la moitié des patients vivent en Île-de-France. L’autre important lieu de vie des patients se situe aux Antilles. C’est un exemple unique en France de maladie aussi concentrée sur un territoire.

 

Depuis 2000, un dépistage ciblé des bébés nés de couples à risque (personnes à peau noire, Antillais, Maghrébins…) est établi en France métropolitaine, sur test buvard (voir l’article p. 282)/ Ce dépistage est systématique aux Antilles.

 

En 2014, environ 40 % des nouveau-nés de métropole étaient identifiés comme issus de couples à risque, ils étaient 70 % en Île-de-France. Ces pourcentages sont un reflet de l’histoire récente de l’immigration de population en provenance d’Afrique subsaharienne en Europe ces cinquante dernières années, avec pour conséquence de concentrer ces populations autour des grandes capitales européennes ayant d’anciennes colonies (Paris, Londres, Bruxelles, etc.). Ces sujets porteurs, le plus souvent sans le savoir, de la maladie (dans certains pays d’Afrique de Ouest, la prévalence des porteurs de la maladie est de 20 à 30 %) ont ensuite donné naissance, dès les années 1980, à des enfants drépanocytaires, malades, maintenant adultes. Cette situation épidémiologique change peu à peu, et les centres de province reçoivent de plus en plus d’enfants et d’adultes drépanocytaires depuis dix ans. Les chiffres de naissance de patients drépanocytaires sont relativement stables d’année en année (environ 400/an dont 250 en Île-de-France).

 

La prise en charge précoce et standardisée qui suit ce dépistage néonatal est l’autre paramètre qui explique l’émergence depuis trente ans de cette maladie en France. En effet, ce suivi permet à quasiment tous les enfants drépanocytaires d’atteindre l’âge adulte. L’espérance de vie des patients a ainsi doublé en vingt ans dans les pays développés (estimé > 50 ans actuellement en France). La prise en charge est complexe, multidisciplinaire, assez proche de celle réalisée pour le diabète de type 1 du fait de complications chroniques organiques communes. Cela entraîne un recours accru à des thérapeutiques parfois complexes comme les allogreffes.

 

Découvrez les 4 vidéos du conseiller scientifique le Dr Arlet qui présente les points clés du parcours de soins du patient drépanocytaire