Pasteur et Koch. Un duel de géants dans le monde des microbes

Pasteur et Koch. Un duel de géants dans le monde des microbes.

Annick Perrot, Maxime Schwartz - Odile Jacob éd. 2014 - 24,90 €.

 

Pasteur et Koch, ces deux « travailleurs acharnés, au caractère ombrageux », méritent bien le titre de géants, vu l’ampleur de leurs contributions respectives à la science, et plus encore, celui de Titans, en raison de la férocité de leurs échanges, frisant le match de boxe (voir la couverture du livre). Pour Pasteur, nationaliste dans l’âme, « Koch était le représentant victorieux d’une Prusse qu’il haïssait », tandis que Koch, lui, « voulait s’imposer face à ce savant plus âgé », dont il jalousait l’aura internationale. D’abord, ils se querellèrent à propos de l’antériorité de leurs travaux respectifs sur la maladie du charbon, car « Koch ne cite pas Pasteur comme découvreur des spores bactériennes dans son premier article sur l’étiologie du charbon » (un tel oubli serait-il encore possible à l’heure d’Internet ?). Puis, « dans ses travaux sur les vaccins, Pasteur s’est heurté au scepticisme durable de Koch, qui se refusait à admettre l’atténuation ». Enfin, leurs deux élèves, « Yersin, le Suisse de Pasteur, et Kitasato, le Japonais de Koch », se livrèrent une lutte sans merci pour la découverte du bacille de la peste (malgré cela, les écoles de microbiologie française et allemande surent être complémentaires dans la mise au point de la sérothérapie).

 

Après Pasteur et ses lieutenants, sur les travaux de Pasteur et de ses élèves*, Annick Perrot, conservatrice honoraire du musée Pasteur, et Maxime Schwartz, ancien directeur de l’Institut Pasteur, relatent, à travers le cheminement des premières découvertes des pères de la microbiologie, l’histoire de cette rivalité exacerbée qui opposa « notre » Louis Pasteur à l’Allemand Robert Koch, de vingt ans plus jeune que lui. Véritables « monstres sacrés » dans leur propre pays (chacun eut un institut à son nom), ils furent relativement méconnus dans celui de l’autre, une méconnaissance savamment entretenue par eux-mêmes, qui, ignorant tout de la langue de l’autre, boudèrent longtemps leurs travaux respectifs, voire pire pour Koch, les déprécièrent (« Que de calomnies ! », s’exclame Pasteur). L’histoire finira bien, par un échange de congratulations politiquement correctes, à ceci près que « Koch reste pratiquement inconnu en France », une erreur que ce livre passionnant et très documenté devrait vite réparer.

 

En bons pasteuriens, les auteurs réaffirment l’antériorité de Pasteur sur certains travaux sur l’étiologie du charbon, et, en historiens objectifs, rétablissent l’apport de Koch : « sans la culture sur milieu solide, mise au point par Koch et ses élèves, comment Pasteur et ses élèves seraient-ils parvenus, comme l’a fait Koch pour le vibrion cholérique, à isoler une bactérie pathogène dans une population comportant de nombreux autres microbes ? », nous laissant entrevoir à quel point ces deux « fondateurs des progrès du XXe siècle » (comme les qualifie le Pr Alain Fischer, lors d’un récent colloque, au même titre que Charles Darwin, Gregor Mendel, Claude Bernard, Rudolf Virchow) n’auraient guère pu se passer l’un de l’autre. D’ailleurs, la balle a parfois rebondi d’un camp à l’autre : si Koch est bien le premier à avoir identifié le bacille de la tuberculose, il n’a pas réussi à mettre au point la tuberculine, ce que firent Calmette et Guérin, élèves de Pasteur… Ce duel, qui pourrait sembler mesquin, traduit pour nos auteurs l’esprit de compétition, « bénéfique pour l’avancement de la science », et le vainqueur de ce pugilat est… l’homme qui, grâce à la lutte anti-infectieuse, a vu augmenter son espérance de vie !