Le Concours Médical
Janvier 2018

BPCO. L’obstruction partielle des parcours de soins n’est pas irréversible

Pr Nicolas Roche


Des pistes pour améliorer la qualité des soins et leur coordination

Longtemps considérée comme hors de portée des traitements disponibles, la bronchopneumopathie chronique obstructive (BPCO) peut maintenant être, sinon guérie, au moins notablement soulagée. Des mesures médicamenteuses (bronchodilatateurs avant tout) et non médicamenteuses (réhabilitation respiratoire) ont fait la preuve de leur efficacité sur les principaux objectifs de la prise en charge : réduction de la dyspnée, augmentation de la tolérance à l’exercice, diminution de fréquence et de sévérité des exacerbations. Si ces objectifs sont volontiers qualifiés de symptomatiques, ce terme ne doit pas être considéré comme péjoratif, car il correspond bien aux souhaits premiers des patients.

 

Malgré des constats alarmants d’un côté (impact individuel et collectif de la maladie ([voir encadré]), plus positifs de l’autre (traitements disponibles), force est de constater que la BPCO reste une maladie très notablement sous-diagnostiquée : environ les deux tiers ou les trois quarts des malades s’ignorent et, de ce fait, ne bénéficient pas d’une prise en charge. Pourtant, la BPCO fait l’objet de recommandations nationales (Société de pneumologie de langue française, [SPLF]) et internationales (Global Initiative on Obstructive Lung Disease, [GOLD]) régulièrement mises à jour, et d’un intérêt croissant des tutelles. Ainsi, la HAS a produit en 2012 un parcours de soins précisant les rôles des différents professionnels de santé concernés (au premier rang desquels le médecin généraliste et le pneumologue) dans l’application des recommandations et l’optimisation de la prise en charge.

 

Contourner la première difficulté : le passage obligé par la spirométrie

Quels sont les manques ? Le premier concerne le diagnostic : il ne peut être effectué sans la spirométrie qui, seule, permet un diagnostic de syndrome obstructif persistant après bronchodilatateurs, élément central de la définition de la maladie. La spirométrie est aussi indispensable pour le diagnostic différentiel (asthme), l’évaluation de la sévérité et le suivi évolutif (déclin fonctionnel) aux fins d’adaptation du traitement. La facilitation de l’accès à la spirométrie est donc souhaitable, au moins pour la phase initiale de « débrouillage ». Les contraintes ne doivent toutefois pas être négligées : pratiquer des spirométries diagnostiques requiert une formation initiale non seulement théorique (relativement limitée) mais surtout pratique. Le maintien à niveau implique par la suite une formation continue et surtout la pratique régulière de l’examen, avec des contrôles qualité constants : il s’agit d’ailleurs là d’une thématique propice à l’évaluation des pratiques professionnelles dans le cadre du développement professionnel continu. Établir un diagnostic de BPCO impliquera la réalisation d’explorations fonctionnelles plus complètes par des spécialistes, mais la pratique plus large (médecine générale, médecine du travail, centres et maisons de santé...) de spirométries de détection permettrait d’effectuer un « tri » et ainsi de rationaliser les recours aux pneumologues. L’utilisation du débit de pointe ou de minispiromètres électroniques a été proposée mais n’est pas validée à ce jour en France, en conditions de vie réelle.

 

Un outil tout neuf pour étayer la collaboration interprofessionnelle

Autre piste d’amélioration de la prise en charge : la collaboration généraliste-spécialisteparamédicaux (infirmière, kinésithérapeute) n’est pas toujours optimale, et le malade est souvent « un peu perdu » face à sa maladie chronique, en manque d’éducation thérapeutique. La SPLF vient d’ailleurs de mettre à la disposition des patients et soignants un carnet de suivi des patients atteints de BPCO, dans le but de faciliter cette éducation et de fournir un outil de communication entre les professionnels et le patient.

 

Mieux se coordonner face aux exacerbations

Dernier point (mais bien d’autres pourraient être évoqués) : la gestion des exacerbations. Le patient éduqué peut s’y impliquer, voire même, dans les cas non sévères, les gérer lui-même s’il dispose de plans d’action et les maîtrise (importance, à nouveau, de l’éducation). Dans les autres cas, la première décision concerne le circuit d’orientation du patient : ville (médecin traitant, spécialiste, urgences médicales), hôpital (urgences commençant éventuellement par le Samu, hospitalisation conventionnelle, voire soins intensifs/ réanimation). Tous ces moyens et cadres de prise en charge existent, mais leur coordination pourrait certainement être améliorée, non seulement dans les zones à faible démographie médicale mais aussi dans les villes les mieux dotées sur ce plan.

Pour conclure, il faut souligner avec optimisme que les différentes pistes d’amélioration évoquées dans cette introduction ont fait l’objet d’expérimentations dans d’autres pays, avec des succès qui peuvent nous fournir des « modèles » à adapter en France. À titre d’exemple, que ce soit pour le diagnostic, le suivi à long terme ou la prise en charge des exacerbations, la télémédecine peut nous fournir un outil qui, s’il est bien utilisé, peut s’avérer très utile : contrôle qualité des spirométries à distance et aide à l’interprétation, transmission de la saturation pulsée en oxygène, suivi de l’observance...