Traumatisme cranio-encéphalique grave de l’adulte. De la réanimation à la réinsertion
Pourquoi un dossier dédié au parcours de soins de la personne adulte ayant subi un traumatisme cranio-encéphalique (TC) ? L’épidémiologie, l’évaluation des séquelles, la nosologie des troubles de conscience comme la prise en charge du TC grave ont considérablement évolué au cours des dernières décennies, et une diffusion de ces connaissances est probablement un argument suffisant. Le cas de Vincent Lambert, devenu l’affaire éponyme, a interrogé la société sur la proportionnalité des soins devant une situation de handicap extrême. L’accident de ski de Michael Schumacher démontre comment, en une fraction de seconde, un TC peut bouleverser une vie. Ces situations dramatiques et fortement médiatisées ont probablement contribué à focaliser l’attention sur cette pathologie qui demeure relativement rare dans la patientèle des médecins généralistes.
On distingue classiquement les TC modérés et graves des TC légers selon le score de Glasgow initial. Le TC léger, qui est une affection a priori bénigne, sans lésion visible, n’est pas l’objet de ce dossier. Le TC des enfants, qui n’est pas abordé non plus dans ce numéro, représente un problème important de santé publique et implique d’autres questions complexes car le traumatisme touche un organe encore en maturation, support des apprentissages.
Ce dossier est donc consacré aux TC modérés et graves de l’adulte. Concernant l’épidémiologie, les accidents de la voie publique sont à l’origine d’un pic d’incidence chez les adultes jeunes ; ils restent la première cause de TC grave malgré une diminution grâce aux mesures de prévention routière. Les chutes sont responsables d’un second pic en accroissement constant parallèlement au vieillissement de la population. Cette évolution dans l’épidémiologie du TC aura de nombreuses conséquences dans l’organisation sanitaire et médico-sociale, voire au plan éthique, et devra donc être anticipée.
L’évaluation pronostique reste extrêmement difficile
La prise en charge initiale des premiers secours jusqu’à la réanimation est maintenant bien codifiée (voir article p. 26). Les progrès concernent notamment la détection (grâce à un monitoring multimodal) et le traitement des lésions secondaires : accidents cérébraux secondaires d’origine systémique (ACSOS) et hypertension intracrânienne. À ce stade, la question du pronostic est centrale aussi bien pour informer les proches que pour adapter le niveau de soins. Objectiver les lésions avec les outils modernes est essentiel et contribue à mieux comprendre la nature et la gravité des séquelles. Cependant, à ce jour, le pronostic individuel reste extrêmement difficile à déterminer à partir des facteurs pronostiques standard, comme cela a bien été démontré dans une étude publiée cette année comparant le pronostic envisagé par des professionnels et l’évolution réelle(2). Dans cette étude, les professionnels surestimaient de façon très importante le risque d’évolution défavorable. L’hétérogénéité de la population, les mécanismes de dégénérescence secondaire et les phénomènes de plasticité cérébrale sont autant de facteurs qui contribuent à rendre cette évaluation pronostique complexe. Mieux comprendre ces mécanismes pour influencer positivement l’évolution est l’un des grands enjeux de la recherche clinique dans les prochaines années.