Mars 2017

Polyarthrite rhumatoïde. Optimiser le parcours de soins

Pr Olivier Vittecoq


Les progrès thérapeutiques en appellent à une médecine personnalisée. La prise en charge de la polyarthrite rhumatoïde (PR) a considérablement évolué au cours de ces deux dernières décennies à différents niveaux. Les progrès sont liés en partie à l’avènement de nouvelles molécules, les biomédicaments, mais aussi à une meilleure utilisation de certains immunosuppresseurs comme le méthotrexate (MTX) dont l’utilisation a été optimisée (dose plus importante, recours plus fréquent à la voie parentérale). Mais cette « révolution » ne se résume pas exclusivement à la thérapeutique. Elle tient aussi aux modalités de prise en charge, qui contribuent largement à un contrôle plus rapide de la maladie.

En effet, plusieurs facteurs ont leur importance dans les différentes étapes de la prise en charge d’un patient ayant une polyarthrite débutante :

  •  reconnaissance rapide d’un rhumatisme inflammatoire débutant et en particulier d’une PR qui est une urgence articulaire ;
  •  collaboration étroite entre le médecin généraliste et le rhumatologue dans les premières semaines d’évolution ;
  •  initiation précoce d’un traitement de fond qui sera en règle le MTX face à une PR certaine ou une « possible » PR ;
  • objectif thérapeutique précis (principe du « treat to target ») qui est désormais la rémission se définissant à partir d’un index composite, le DAS-28 (valeur inférieure à 2,6) en sachant toutefois que d’autres éléments seront à prendre en compte, notamment les critères dits « patient » (PRO ou « Patient Reported Outcome ») ;
  • obtention rapide de cette rémission qui doit être prolongée, sans fluctuations d’activité (poussées) particulièrement délétères, car le contrôle rapide de l’activité (ou de l’inflammation systémique) conditionne le devenir articulaire, cardiovasculaire et osseux du patient ;
  • suivi rapproché pour adapter rapidement le traitement, en général mensuel jusqu’à stabilisation, puis trimestriel ;
  •  prise en compte également du risque cardiovasculaire de la maladie (car la PR est un facteur de risque au même titre que le diabète) et évaluation du statut osseux du patient.
Des matrices pour prédire le risque de progression radiologique rapide

À ce titre, l’adaptation du traitement est liée au pronostic présumé de la maladie et à une notion très récente, la progression radiologique rapide (PRR). Des matrices ont ainsi été élaborées chez des malades sous traitement de fond classique (MTX ou léflunomide) ou sous biomédicament pour prédire le risque de PRR, source de handicap. Ces matrices intègrent en règle des facteurs pronostiques bien connus (nombre d’articulations gonflées, valeurs de la VS et/ou de la CRP ; présence ou titres des facteurs rhumatoïdes et/ou des anti-CCP (peptides cycliques citrullinés) ; existence d’une atteinte radiologique précoce [environ 15 % des cas]). Cette évolution vers une forme agressive représente environ 20 % des PR et va justifier l’introduction rapide d’un traitement biologique (anti-TNF ou autre) chez les patients sous MTX.

Une stratégie thérapeutique relativement bien codifiée

À partir de ces éléments, la stratégie thérapeutique de la PR est relativement bien codifiée comme l’illustre la figure ci-contre. En effet, le premier traitement de fond sera en règle un traitement de fond classique, le plus souvent le MTX. De rares formes très agressives peuvent justifier d’emblée une association MTX/anti-TNF ou une combinaison de traitements de fond associée à un traitement glucocorticoïde. En cas d’échec ou d’échappement au MTX, l’orientation thérapeutique dépendra du niveau d’activité de la maladie et des facteurs de risque d’évolution vers une forme destructrice. S’il s’agit d’un biomédicament, le choix de la molécule dépendra de nombreux paramètres et notamment des caractéristiques de la molécule, de sa tolérance, de l’expérience du praticien, de la préférence du patient (voie IV ou SC), des comorbidités susceptibles de majorer le risque infectieux et/ou carcinologique…