PORTRAIT. Olivier Mermet : soigner, jusqu’au bout
En juin dernier, il est devenu le tout premier médecin généraliste à être nommé à la présidence de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap). Une manière de reconnaître le rôle des équipes de soins primaires dans la fin de vie.
Il y a de la constance dans le parcours de ce médecin généraliste. Étudiant, il consacre sa thèse à la prise en charge de la fin de vie, à domicile, par les médecins généralistes. À 48 ans, il est nommé président de la Société française d’accompagnement et de soins palliatifs (Sfap), succédant à Anne de la Tour, médecin hospitalier. Depuis juin dernier, Olivier Mermet est ainsi le premier médecin généraliste – et le premier médecin libéral – à présider cette société savante.
Constant dans ses passions professionnelles, il est aussi fidèle à son territoire d’origine, l’Allier. Son diplôme en poche, il y a exercé, sans détour, d’abord comme remplaçant. Puis il choisit de s’installer dans la petite ville de Saint-Pourçain-sur-Sioule (6 000 habitants), d’abord seul, puis en cabinet médical de groupe, et, depuis 2015, en maison de santé pluriprofessionnelle, qu’il a contribué à monter. C’est l’une des plus grandes MSP d’Auvergne : y exercent sept médecins généralistes, deux sages-femmes, deux pédicures-podologues, un kinésithérapeute et une infirmière Asalée. « À Saint-Pourçain, nous sommes dans la moyenne basse de la densité médicale. Nous nous en sortons parce que nous travaillons de manière regroupée », affirme-t-il. Marié et père de deux enfants, il parvient ainsi à concilier vie professionnelle et vie personnelle : « J’habite tout près de la maison de santé et de l’hôpital. Je rentre souvent à midi chez moi. Et quand je pars en vacances, de jeunes médecins me remplacent. »
MISSION CONSEIL
L’exercice regroupé lui a aussi permis de diversifier son activité. Depuis 2007, il exerce, le tiers de son temps, comme médecin coordonnateur du Réseau d’accompagnement et de soins palliatifs de l’Allier. Dans cette fonction, il intervient comme « conseil auprès des équipes de soins primaires du territoire, lorsqu’elles sont confrontées à des situations palliatives complexes ». Il travaille encore, en tant que médecin libéral, dans le petit hôpital local de Saint-Pourçain – qui compte 10 lits de médecine, 7 lits de moyen séjour et 35 lits d’Ehpad – où sont souvent prises en charge des situations de fin de vie. D’ailleurs, « des lits dédiés aux soins palliatifs » devraient bientôt être identifiés dans l’hôpital, indique-t-il.
Ce n’est pas un hasard : l’activité du nouveau président de la Sfap couvre presque complètement le champ d’exercice des membres de la société savante. Ses 10 000 soignants, libéraux et hospitaliers, travaillent à l’hôpital en unité de soins palliatifs (USP) ou en équipes mobiles de soins palliatifs (EMSP), ainsi que dans les réseaux d’accompagnement et de soins palliatifs (Rasp). Olivier Mermet explique ainsi le sens de sa nomination par le bureau de la Sfap, dont il est membre depuis trois ans : « La problématique des soins palliatifs est transversale. Vous avez, d’un côté, des services hospitaliers très spécialisés, de l’autre, des équipes de soins primaires qui veulent améliorer leurs pratiques. Les équipes de soins primaires doivent être reconnues comme des acteurs à part entière. Car, avec le virage ambulatoire, les gens sont de plus en plus souvent renvoyés chez eux en fin de vie, ou dans des Ehpad où exercent beaucoup de médecins généralistes. »
Au sein de l’équipe de soins primaires, « le médecin généraliste est en première ligne. Il est confronté à des fins de vie à domicile complexes 3 à 5 fois par an, estime-t-il. Mais bien plus fréquemment à des maladies graves pour lesquelles des soins palliatifs doivent être mis en place, de manière précoce. Ce sont, dans un premier temps, des soins de confort, pour traiter la douleur, une dépression, une gêne pour respirer. Hélas, ils sont bien souvent mis en place trop tard. L’évolution du curatif vers le palliatif doit être lente, progressive. Ainsi, on peut permettre un maintien à domicile en fin de vie. C’est aussi une manière d’aider les proches, car s’ils craquent, le maintien à domicile échoue ». Et si, comme le rappelle le médecin généraliste, plus de la moitié des Français voudraient mourir chez eux, la réalité est plus complexe : « Seuls 24 % décèdent à leur domicile, 12 % en Ehpad, le reste à l’hôpital. »
« PLUS FACILE DE FAIRE QUE DE NE PAS FAIRE »
Olivier Mermet s’est donné pour mission d’« aider les acteurs des soins primaires : leur permettre de se former, leur donner les moyens de travailler ». La Sfap met déjà à leur disposition des programmes de e-learning, organise des journées thématiques – la prochaine à Bordeaux, le 21 novembre, sera consacrée au domicile. Il veillera aussi à ce que « la formation initiale des médecins comporte des modules sur les soins palliatifs ». La loi Claeys-Leonetti précise que tous les étudiants en médecine doivent faire un stage dans une équipe de soins palliatifs, « mais ce n’est pas encore partout la réalité », regrette-t-il.
Le nouveau président de la Sfap sera aussi « l’interlocuteur des pouvoirs publics sur la fin de vie, en lien avec d’autres sociétés savantes ». La société milite, avec constance, pour l’application pleine et entière de la loi du 2 février 2016 sur la fin de vie, dite loi Claeys-Leonetti, toujours mal connue. « À domicile, l’accès aux soins de support et aux soins palliatifs n’est pas possible sur tout le territoire, regrette Olivier Mermet. Le mal-mourir en France s’explique par une mauvaise formation des professionnels de santé à la prise en charge des symptômes d’inconfort, dont la douleur, et parfois à des pratiques d’obstination déraisonnable. La loi Claeys-Leonetti offre aux équipes le temps de se poser, de réfléchir de manière collégiale, avec le patient, son entourage. À chaque étape du parcours de soins palliatifs doit être envisagé le risque d’une obstination déraisonnable. Parfois, pour éviter des conflits familiaux, on choisit d’hospitaliser une vieille dame en fin de vie. On voit des patients recevoir une chimiothérapie, avec ses effets secondaires, la veille de leur mort. C’est vrai aussi que les patients ne tiennent pas forcément le même discours à leur médecin généraliste qu’au médecin spécialiste. Pour cette raison, il faut plus de lien entre les équipes. C’est souvent plus facile de faire que de ne pas faire. »
Autre sujet de vigilance : la disparition des réseaux d’accompagnement et de soins palliatifs, dont celui de l’Allier, bientôt transformés en « réseau de coordination polyvalent, pour plusieurs pathologies : les démences, le diabète décompensé, les fins de vie, etc. ». Les équipes mobiles de soins palliatifs, qui sortent en réalité peu de l’hôpital, doivent voir leurs moyens augmenter. Olivier Mermet veillera à rappeler que « toutes les équipes de soins primaires, face à des fins de vie complexes, doivent pouvoir obtenir le soutien d’équipes ressources : celles de l’hospitalisation à domicile pour les soins techniques, de l’équipe mobile ou du réseau pour les soins palliatifs. Ils ont besoin de conseils pour le traitement de la douleur, de soutien pour la coordination des soins, et de groupes de parole. Sinon, ils risquent le burn out, et l’évolution d’un patient du curatif vers le palliatif peut être vécu très difficilement ». Et il en est convaincu : « Les équipes de soins primaires, si elles sont bien formées aux soins palliatifs, peuvent être remarquables, disponibles, humaines. » Et pour un médecin généraliste, « accompagner un patient pendant de longues années, jusqu’aux soins palliatifs, c’est aller au bout dans son travail. Le faire correctement ».