INTERVIEW Emmanuel Vigneron. « L’analyse géographique révèle que les inégalités de santé sont encore bien présentes »
Qu’est-ce qu’un territoire ? Que révèle l’approche géographique de la santé sur les questions d’inégalités en santé ? Quelle place aujourd’hui pour le « local » ?
Le point avec le Pr Emmanuel Vigneron, historien et géographe, professeur d’aménagement sanitaire du territoire à Montpellier, auteur, et qui a dirigé plusieurs groupes nationaux de réflexion.
On parle de plus en plus aujourd’hui de « territoire ». Pour le géographe de la santé que vous êtes, ce mot revêt-il une signification différente ?
Évidemment, car bien qu’ancien, ce mot est relativement nouveau dans le monde de la santé. Il y a 30 ou 40 ans, on parlait de « province », puis on a préféré le mot « région » qui finalement a gêné parce qu’il posait la question de la gestion de cet espace. Dans les années 1970, avec la création du « conseil régional » élu au suffrage universel, parler de « région » semblait aller à l’encontre du mouvement de l’État qui cherche constamment à reprendre les rênes de la santé, notamment en limitant les pouvoirs municipaux sur les hôpitaux. Ainsi, par facilité et pour éviter des débats compliqués, on s’est mis à parler de « territoire » au début des années 2000. Mais le territoire étant un espace vécu, il en existe de nombreuses variétés selon l’endroit d’où l’on parle. C’est à la fois commode parce qu’on peut dire « les territoires » sans trop les définir, et ennuyeux parce que source de confusion et de conflits entre les différents acteurs de la santé.
Qu’est-ce qu’un territoire ? C’est un morceau de l’espace terrestre qui est occupé et organisé par les hommes. Et qui est vécu différemment selon le pouvoir que l’on détient et les moyens dont on dispose.