Février 2019

PROTOCOLE PLURIPROFESSIONNEL. Insuffisance cardiaque : surveiller, alerter et suivre

Dr Alain Trébucq


Ancienne commune du département de l’Ain aujourd’hui rattachée à la ville d’Ambérieu-en-Bugey, Les Allymes compte, depuis quelques années, un pôle de santé regroupant 36 professionnels des soins primaires.

 

Érigée à la Révolution française, Les Allymes est une ancienne commune du département de l’Ain, éphémère car supprimée en 1794 pour être rattachée à la ville d’Ambérieu-en-Bugey, qui compte aujourd’hui plus de 14 000 habitants. Les Allymes reste cependant un nom attaché à une église et à un château mais aussi, depuis quelques années, à un pôle de santé qui regroupe 36 professionnels des soins primaires du bassin d’Ambérieu-en-Bugey : diététiciennes, infirmier( e)s, masseurs-kinésithérapeutes, médecins généralistes, pédicures-podologues, pharmaciens et sages-femmes. Huit médecins généralistes de ce pôle sont regroupés au sein du groupe médical Les Allymes. Ils étaient encore neuf il y a quelques mois, avant un départ à la retraite de l’un d’entre eux. À défaut d’avoir pu lui trouver un successeur, le remplacement s’est mis en place grâce aux gains de productivité qu’apporte un travail collaboratif. Les 1 400 patients suivis par ce généraliste ont ainsi été repris par les huit autres. L’écueil, c’est la disparition d’une contribution (environ 3 400 euros par mois) au fonctionnement du groupe médical, entraînant le licenciement d’une secrétaire, pourtant essentielle au travail de coordination des soins. Le temps de travail de ces médecins généralistes reste néanmoins sous contrôle, la population pouvant compter sur une importante maison médicale de garde (MMG) au centre de l’organisation de la permanence des soins sur le secteur de la Plaine de l’Ain. Cette MMG permet de consulter un médecin généraliste en semaine (entre 18 heures et minuit), les samedis (de midi à minuit) et les dimanches et jours fériés (entre 8 heures et minuit).

Pour son système d’information partagé, le pôle de santé a fait appel à la solution Weda, « parce qu’elle est entièrement paramétrable », explique le Dr Olivier Beley, médecin généraliste faisant figure de pionnier tant pour ce pôle de santé que pour la MMG. « Passer d’une pratique individuelle à un exercice pluriprofessionnel coordonné reposant sur un système d’information partagé représente un changement culturel majeur qui nécessite de dépasser ses craintes. Remplir le dossier patient était trop souvent perçu comme une prérogative du médecin, mais cela n’est plus le cas dans un système d’information partagé. En revanche, l’infirmière peut hésiter à franchir le pas et à s’exposer au jugement des autres membres de l’équipe de soins primaires. Mais ces obstacles sont rapidement franchis », estime le Dr Beley, qui constate une évolution marquée de ses propres pratiques professionnelles. Avant de citer l’exemple de la pression artérielle de ses patients hypertendus qu’il ne mesure quasiment plus puisque ces derniers ont pu être éduqués à l’automesure. Des gains de temps médical qui, mis bout à bout, lui ont permis, comme à ses collègues, de reprendre la patientèle du confrère parti à la retraite.

Le groupe médical dispose d’une importante salle de réunion avec coin cafétéria. Les médecins s’y retrouvent chaque semaine pour une réunion de deux heures consacrée à la discussion de cas complexes, et chaque mois pour la réunion pluriprofessionnelle du pôle de santé. « Le travail en équipe nous a permis de gommer une culture verticale, héritage du passé. Le partage de responsabilités est désormais une réalité, et une réunion pluripro peut se tenir à l’initiative des paramédicaux, sans présence d’un médecin », se réjouit le Dr Beley. Plusieurs protocoles pluriprofessionnels ont ainsi été élaborés, dont celui sur l’insuffisance cardiaque (voir p. 29).

Pour autant, tout n’est pas parfait. En témoignent la difficulté à recruter un jeune médecin en remplacement du départ à la retraite, ou ces institutions sanitaires encore trop centrées sur le concept de médecin traitant. Le Dr Beley en est cependant convaincu : ce travail en équipe devra conduire à la forfaitisation globale (non plus à la pathologie) de la prise en charge par le premier recours d’une population déterminée. « C’est pour nous une évolution inéluctable. Nos dix années d’exercice coordonné ont forgé cette certitude », conclut-il. Pour preuve, le projet de forfaitisation de la prise en charge globale des patients du bassin de vie d’Ambérieu-en-Bugey déposé dans le cadre de l’appel à projets de l’article 51 de la LFSS 2018.